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Conseil d’administration : les défis de la représentation régionale et le piège de la double loyauté

Conseil d’administration

 

Un conseil d’administration de nature représentative, c’est-à-dire un conseil composé d’administrateurs élus sur une base de représentativité, très régulièrement sur une base de représentation régionale, amène son lot de défis.

En effet, la représentation régionale demeure, pour de nombreuses organisations au Québec, le chemin choisi pour devenir administrateur. L’objectif de la représentation régionale est louable : s’assurer que les membres de toutes les régions du Québec ou d’un territoire aient une voix au conseil d’administration. Parce qu’ils sont élus dans leur région ou territoire, plusieurs administrateurs pensent qu’ils doivent maintenant défendre à tout prix les intérêts des membres de la région ou territoire qui les ont désignés ou élus. Les conseils d’administration de nature représentative amènent donc un enjeu de gouvernance important : le piège de la double loyauté de l’administrateur. La loyauté envers l’organisation, mais aussi la loyauté envers les membres qui ont élu ou désigné l’administrateur.

Les articles 321 et 322 du Code civil du Québec rappellent que les administrateurs sont redevables à l’organisation globalement :

321. L’administrateur est considéré comme mandataire de la personne morale. Il doit, dans l’exercice de ses fonctions, respecter les obligations que la loi, l’acte constitutif et les règlements lui imposent et   agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés.

322. L’administrateur doit agir avec prudence et diligence.Il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la personne morale.

L’administrateur n’est donc pas un représentant, mais bel et bien un mandataire de l’organisation. L’administrateur doit toujours agir dans le meilleur intérêt de l’organisation pour laquelle il est mandaté et non en tant que représentant d’un groupe qui l’a désigné ou élu pour occuper un poste au sein du conseil d’administration. À cet effet, il est intéressant de constater que dans la dernière réforme du Code des professions de juin 2017 (Loi concernant l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel) l’article 65 du Code des professions a été modifié par l’ajout de la phrase suivante : « La représentation régionale est établie aux fins d’assurer une diversité régionale au sein du Conseil d’administration et les administrateurs élus n’y représentent pas les professionnels de la région dont ils sont issus. »

La représentation régionale devrait donc être établie afin d’assurer cette diversité régionale au sein des conseils d’administration (e.g. s’assurer que les enjeux et les préoccupations des membres de régions autres qu’urbaines sont exprimés et pris en considération dans les décisions du conseil d’administration). Ce faisant, la présence d’au moins un représentant d’un groupe de régions ayant des préoccupations et des enjeux semblables est habituellement suffisante pour assurer cette diversité régionale au sein d’un conseil d’administration. Par surcroît, le développement des technologies au cours des dernières années a diminué sensiblement le décalage en ce qui a trait à la connaissance des préoccupations et des besoins des membres d’une région, permettant, entre autres, de rejoindre rapidement et efficacement un membre en région éloignée, par exemple.

Au-delà de la représentation régionale, c’est la recherche d’une diversité optimale (parité homme-femme, communauté culturelle, représentation géographique, expertise et expériences, habiletés personnelles et interpersonnelles) qui devrait intéresser et guider les conseils d’administration. Pour ce faire, il est primordial que chaque conseil d’administration établisse un profil de compétences, d’expériences et d’expertises recherchées pour composer son conseil d’administration, et ce même si les administrateurs sont élus au suffrage universel.

En conclusion, afin d’éviter de tomber dans le piège de la double loyauté, il est important que le président du conseil s’assure que tous les administrateurs comprennent bien cet élément. Le Code d’éthique et de déontologie des administrateurs devrait également revenir sur l’importance de la loyauté de l’administrateur et sur le fait que les administrateurs sont redevables à l’organisation globalement et non pas au groupe de personnes qui les ont désignés ou élus pour occuper un poste au sein du conseil d’administration.

Bernard Blackburn, MBA, Adm.A (bblackburn@guberna.ca)